"A propos de mon travail d'écrivain"

En provenance du site incontournable de notre ami Alexey :

http://ed-limonov.livejournal.com/

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Un texte important d'Edouard limonov écrit en 2010, parlant de son travail d'écrivain.  

                  À propos de mon travail

J'ai commencé avec la poésie.J'en ai beaucoup écrit en 1966-67. Ce qui a donné le recueil  "Kropotkine et autres poèmes».

Et la série RUSSKOE («Russes»), entre 1967 et 1974. Des poésies publiées plus tard en 1979 aux Etats-Unis. La forme des poèmes ne rime pas. Tout est dans le rythme. 

Ces poèmes évoquent la vie des russes pauvres en province : les périphéries urbaines, estompées, comme les silhouettes à l'aquarelle de personnes, d'animaux et de plantes. 

Ce n'est peut-être pas évident, mais je vous assure, c'est la périphérie de Kharkov, les maisons pauvres, des champs, des ravins, des collines, les cimetières. Lorsque beaucoup plus tard, en l'an 1973, j'ai lu à Moscou  les vers du poète autrichien Trakl, j'ai trouvé des points communs avec son mysticisme.

Très probablement, j'étais à l'époque dans une  certaine extase mystique, un peu comme celle vécue par saint François d'Assise.

Figure parmi ces textes : «Nous - le héros national", ma première expérience dans la prédiction du destin.

Mon premier roman, "C'est Moi, Eddie" ("Le poète russe préfère les grands nègres") était assurément un geste de désespoir.  

Et bien sûr, le lecteur de base croit naïvement que le personnage c'est moi. En fait, c'était bien mon intention et la détermination que j'avais. Je voulais faire de la provocation, c'est vrai, et j'ai imprudemment donné mon nom de plume au héros de mon premier roman ( il n'y avait pas grand risque, car seules une dizaine de personnes me connaissaient alors par mon pseudo à New York), et j'ai fait une énorme erreur de calcul en agissant de la sorte. 

1. Je ne m'attendais pas à avoir, dans l'avenir, la permission de retourner vivre sur ma terre natale, chez les "scythes". 

2. Surtout je n'aurais jamais imaginé que je deviendrais un politicien "scythe". 

La troisième, et la plus grave erreur de calcul, c'est qu'en retournant au pays natal au début des années 90, je n'ai pas abandonné mon pseudo d' "Edouard Limonov" pour me lancer sous mon vrai nom (Savenko) en politique. Et bien sûr les politiciens "scythes" s'en sont donné à coeur joie avec "Limonov" et la scène de baise avec un homme noir dans le terrain vague. 

Mon premier roman, continue de jeter une ombre tragique sur mon sort.

  Cela n'empêche que ce roman est un chef-d'œuvre. Nerveux, puissant, saignant... Le héros est devenu un symbole, au niveau littéraire : les Scythes le comprendront quand ce ne seront plus des scythes. 

Après  "Le poète russe...", j'ai écrit "Journal d'un raté". Et comme précédemment dans certains poèmes,  les prédictions et les visions sur ma vie future sont nombreuses. 

J'avais prédit tout ce qui allait m'arriver. Ma future participation à la guerre en Yougoslavie, à la guerre en Abkhazie, et même la création du parti national-bolchévique, et de mon journal"Limonka", quinze ans plus tard.

J'ai rédigé à New York mon premier roman en 1976, et "Journal d'un raté" en 1977-1978 : ces deux livres, bien qu'ils soient écrits en russe, sont sans doute ce qui dépeint le mieux les années 70 aux USA, et expriment la réalité bien plus honnètement que les livres américains autochtones. 

 

C'était alors la vague punk, et le meilleur de l'époque étaient les poèmes écrits par Lou Reed, et mes propres textes. L'Esthétique punk est évidente dans les deux cas. Par exemple dans la briéveté, la brutalité, la rapidité, les coupures  de "Journal d'un raté" .

 

  Dans ces années là, les principaux écrivains post-modernes aux Usa, c'est Vonnegut, Pynchonet ainsi de suite. Un roman post-moderne qui s'est vite englué dans des récits sans significations réelles. Une concoction bien floue.  Sasha Sokolov a essayé de résister avec ses livres passionnants, mais à la fin, ruiné, perdu, détruit comme écrivain, il a exprimé son scepticisme. 

 

  De mon coté, j'avais vu ce qu'était la vie tragique aux Etats Unis, la réalité, loin de la propagande incessante. Pas un instant, je n'ai essayé d'être à la mode post-moderniste. En feuilletant les pages des auteurs les plus représentatifs, je me disais : "Mais qui ça peut-il vraiment intéresser ? "

   Dans mon livre suivant,  «Histoire de son serviteur" , il y a encore des visions, et d'incroyables aperçus sur l'avenir : EXTRAIT

   "Auparavant, il pouvait se passer un an sans que je pense à la mort. Aujourd'hui, j'y pense tous les jours. Tranquillement. Et je calcule : en gros, il me reste 20-25 années de vie active normale avant que mon corps ne se délabre. (j'écrivais cela en 1980). 

Dans ce laps de temps, je dois tout sortir de moi : pensées, livres, action, vie sexuelle. Je dois coucher avec toutes les créatures de mes rêves ; si l'envie me prend (soudain) de tuer, je dois le faire ; si je veux avoir des enfants, il faut m'y mettre dare-dare.  

Quand au grand dessein de fonder un parti politique, un Etat ou une religion, il doit être mené à bien vers les 2001-2005 après Jésus-Christ. Voilà. Je suis un mortel à mi-course de son congé sur la terre. Ca file vite, vite... ".

 

J'ai fondé le parti, fait des enfants et j'ai posé dans le livre «Hérésie» la base d'une religion. 

II

Mon travail d'écrivain est clairement divisé en périodes:

 

D'abord, vous pouvez l'appeler "romanesque", bien que ce terme semble arbitraire. Ces livres, écrits entre 1976 et 1990 : douze "romans" et sept livres de nouvelles.

Il y a d'abord la trilogie de New-York :

"Le poète russe préfère les grands nègres", "Journal d'un raté" (celui qui ressemble le moins à un roman), "Histoire de son serviteur"

 

Ensuite, la trilogie de Kharkov : "La grande époque", "Autoportrait d'un bandit dans son adolescence», et «Le petit salaud».

 

et puis : «Apprivoiser le tigre à Paris", "Mort des héros modernes",  "Oscar et les femmes",  "Les derniers jours de Superman",  "316 point B" (terminé en 1995 à Moscou, mais commencé en 1982 à Paris ) et enfin, le dernier «roman»: «L'Etranger dans sa ville natale ", écrit en 1990.

 

Les livres de nouvelles  écrits  entre 1979 et 1990, il n'est pas nécessaire de les énumérer, ils sont bien connus.

La deuxième période depuis 1990 est caractérisée par le fait que j'ai abandonné le roman. Le premier livre de cette période était " Le Grand Hospice Occidental" - ma première expérience dans le domaine de la pensée sociale.

 

 En fait, j'ai commencé à l'écrire en 1989 à Paris, et quand je l'ai terminé en 1990, le premier lecteur a été Claude Frioux, un spécialiste de la littérature russe, et de Maïakovski. Il a remis un compte rendu cinglant à mon éditeur Flammarion, me traitant de philosophe-pop. Mais je croyais dans mon livre, comme en son temps j'avais cru en mon premier roman, "Le poète russe....".

 

 S'il m'a fallu 4 ans pour publier  "Le poète russe....", on est descendu à 3 ans avec "Le Grand Hospice Occidental". 

C'était quand même un peu beaucoup, si l'on tient compte du fait que j'étais l'auteur d'une douzaine de livres publiés en français. Enfin en 1993 "Le Grand Hospice Occidental» a été publié simultanément en France (dans les Editions " Les Belles Lettres "une collection de L' Idiot International) et en Russie.

Ma deuxiéme période d'écrivain va jusqu'à mon emprisonnement en 2001.  

En plus du "Grand Hospice...", j'ai écrit "La sentinelle assassinée", "Limonov contre Jirinovski," une collection d'articles "La disparition des barbares» , "Anatomie du Héros", "Le Livre des Morts " et "La chasse au Bykov"

 

 Comme on peut le voir, il n'y a pas de romans parmi ces livres.C'était un choix assumé depuis 1990, une fois terminé "L'étranger dans sa ville natale"  

 

Cette seconde période a été dominée par la réflexion. "Le Grand Hospice Occidental" - un essai, qui analyse les sociétés occidentales modernes. 

 

Deux livres - "Limonov contre Jirinovski» et « La Chasse au Bykov" - sont des portraits d'hommes contemporains (du journalisme d'investigation).

 

 "Le Livre des Morts" - un livre classique de mémoires. "La sentinelle assassinée" et «Anatomie d'un héros" - mes articles de journaux  des années 90. 

 

La troisième époque, celle de la prison est la période 2001-2003. Juste deux années et demi, mais vraiment fructueuses :

 

J'ai écrit 7 livres dans la prison de Lefortovo:

 

"Monstres sacrés",

 

"L'Autre Russie",

 

"Ma biographie politique »,

 

«Le Livre de l'Eau",

 

"Sous l'emprise de la mort",

 

"Tir de contrôle", 

 

"Psycho russe"

 

 

Dans la prison de Saratov, je n'ai écrit qu'un livre : "Mes prisons." Un seul, parce que c'était au moment de mon long procès, et je consacrais l'essentiel de mon temps à organiser ma défense.

 

 Ce que j'ai écrit en prison est principalement de la philosophie et des livres de réflexion. 

 

Une critique de la Russie, de nos traditions, le rêve de "L'Autre Russie", sous la forme d'un programme  pour le parti national bolchévique. 

 

Un Panorama du panthéon mondial des héros, 52 portraits de personnalités en tous genres - dans «Monstres sacrés». 

 

Un livre de Mémoires lyrique - "Le livre de l'Eau"   

 

"Tir de contrôle" et "Psycho Russe" - une collection de courts essais, développés à partir de rien, de la trivia de lignes envoyées aux lettres de prison, de coupures de journaux ... et ainsi de suite .

 

Les trois livres du cycle de prison »Sous l'emprise de la mort", "Mes prisons" et "Le Triomphe de la métaphysique" poursuivent le thème éternel de la prison russe, un homme derrière les barreaux. 

 

Et enfin ma quatrième période d'écrivain. Tout d'abord ce livre de «nouvelles» sur les guerres dans l'ex-Yougoslavie, "SM'RT" (La mort). C'était une dette pour mes anciens camarades de guerre serbes tombés au combat. 

 

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Donc ma période romanesque n''a duré que 14 ans. Et depuis vingt ans, depuis 1990, je n'écris plus de «romans».  Ce genre ne m'intèresse plus, je le trouve vulgaire. IL a triomphé au 19ème siècle avec la victoire de la bourgeoisie.
   Aujourd'hui, seuls les enfants devraient écrire des romans, comme un exercice d'apprentissage à l'école.

III

Ce texte  a été écrit en 2010, mis dans un tiroir, et aujourd'hui, en 2015, je l'ai retrouvé en cherchant autre chose.

 

Pendant ce temps j'ai fait beaucoup de chemin.

 

J'ai publié le livre " Illuminations ", qui allaient bien au-delà d'«Hérésies». "Illuminations" avec une collection d'hypothèses extravagantes à couper le souffle.

 

Il y a aussi deux pseudo-romans "Dans la zone" (ou "Chez les tanneurs") et "Le Vieux" - des sortes de chroniques de ma vie, et de la Russie,  six recueils de poésie, un livre de biographies de grands hommes de Platon et Nietzsche à Pol Pot et Ben Laden - "Titans".

 

Voilà quelques uns des livres de la période en cours.

 

Arrivederci , mes amis.

 

EL

 

 

ON peut retrouver le texte russe dans son intégralité et une traduction littérale Google Trad, ici :  

http://www.tout-sur-limonov.fr/414521104