TEXTE DE SERGUEÏ CHARGOUNOV POUR LES 70 ANS DE LIMONOV.
Paru dans la LITERATOURNAYA GAZETA.
INDÉPENDAMMENT DE L'ÂGE
J'ai été étrangement lié toute ma vie avec Edouard Limonov.
Je n'étais pas encore né, il n'avait pas quitté le pays dans les années 70, quand il allait chez mes parents, sur le Quai Frounzeskaïa.
Et quelque part dans la maison voisine vivait Elena Schapova, celle qui deviendrait sa deuxième femme, l'inspiratrice de son premier roman. ("Le poète russe préfère les grands nègres")
Limonov, à l'époque jeune homme aux cheveux bouclés, voyait aussi Anastasia Tsvetaeva, (la soeur de la poétesse Marina Tsvetaeva), très croyante, qui était l'une des meilleures amies de mon père.
Ensuite, Limonov a émigré, et le destin a fait que c'est son ancienne femme, Anna Rubinstein, qui est venue voir mon pére, pour lui demander conseil, au niveau pastoral. Anna, inconsolable, qui s'est mise à envoyer quantité de lettres à Limonov, depuis Kharkov, où elle était retournée.
Quand j'ai eu dix ou onze ans, en 1990 ou 91, j'ai découvert des poèmes touchants : «Ici, je vais à la plage ...», «Je suis toujours avec vous ..." Je les ai lu chez Svetlana Bachurina, l'épouse du célèbre poète, qui furent des amis proches de Limonov et d'Elena, et qui faisaient circuler les poèmes, en les tapant sur leur machine à écrire.
A treize ans, à l'automne de 1993, je me suis enfui de la maison pour aller sur les barricades, au moment du siège du Parlement, à Moscou.
J'ai erré parmi la foule, et soudain, au milieu des incendies, dans la fumée, je suis tombé sur Limonov, en tenue de camouflage, avec ses grandes lunettes, repérable de loin. Il avait déja combattu dans plusieurs guerres, et était de retour au pays.
En 1994, il a créé
le parti national-bolchévique, qui avait son siège, --le "Bunker"-- sur la rue Frounzeskaïa : une cave sous le poste de police, là où j'ai eu plus tard mon premier passeport.
Je n'ai pas rejoint le parti de Limonov, mais j'ai lu le journal LIMONKA, dès le premier numéro, fin 94, et j'ai commencé à aller à ses conférences hebdomadaires, au Bunker, le siège du parti.
Pour moi, c'était comme une rencontre littéraire avec un écrivain déja classique : je me souviens par exemple, pour la Journée de la Nation, il avait expliqué, en détail, comment utiliser les enseignements du passé pour les luttes présentes.
Tout récemment j'ai retrouvé des photos où l'on me voit, au Bunker, avec mon sac d'écolier sur les épaules.
En même temps, à cette époque je lisais tous ses livres : ses romans, ses nouvelles, sa poésie, ses essais, ses écrits journalistiques.
Tout cela était hallucinant pour un garçon de quinze ans.
Et ça vous transportait...
Parce que Limonov est un révolutionnaire dans la littérature. Parce qu'il n'a peur de personne, et qu'il ose être lui-même. Quand on l'a bien lu, on est définitivement connecté au monde, à l'univers, on se sent indestructible.
Et quel genre de personnes il a forgé !
Il a accueilli les plus audacieux, les plus sincères, les plus doués.
Les meilleures personnes et mes amis, je les ai presque tous rencontrés chez Limonov.
Quand il est allé dans l'Altaï, parmi ses «partisans», il y avait mon cousin, Oleg Chargounov, qui habite à Ekaterinburg.
En 2001, Edouard a été arrêté dans l'Altaï, et accusé de préparer le soulèvement de la population russe, dans le nord du Kazakhstan ...
J'ai eu la chance de pouvoir assister à son procès, à Saratov...
J'apprécie le contact avec Edouard. Je suis très heureux d'être en lien avec lui. Parfois, je vais à son anniversaire, ou
il vient au mien.
La dernière fois, il m'a donné son livre "Illuminations" avec la dédicace : « A un homme qui ne nous a jamais trahi."
Non, il n'a pas 70 ans !
Mais alors, combien ? ... me direz vous.
On s'en moque !
Limonov est toujours jeune, parce qu'il continue à attirer la jeunesse.
C'est comme une pierre lumineuse, un artiste original et féroce.
C'est le plus cool des organisateurs politiques ; un philosophe qui pose les questions essentielles ; et un penseur social d'une étonnante profondeur.
Il a toujours été guidé par un sentiment de justice.
Il est sensible et honnête quand il met en garde l'intelligentsia russe, qui selon lui, s'aligne sans réfléchir sur les pires valeurs d'un ultra-libéralisme destructeur.
Sensible et honnête, avec toute sa dureté dans ses analyses politiques, aujourd'hui, quand il dissèque le pouvoir et l'opposition libérale.
En raison de son talent et de son intégrité,
il est certainement l'homme politique le plus gênant, le plus détesté par les uns et les autres.
Mais pour toutes ces raisons, il est immortel.
Sergueï Chargounov
Paru dans la LITERATOURNAYA
GAZETA. - Février 2013
http://www.lgz.ru/article/8-6405-2013-02-27/vne-vozrasta/
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Biographie de Sergueï Chargounov
Ecrivain et député
Sergueï Chargounov est né en 1980 à Moscou.
Il est sans doute, après Zakhar Prilepine, l'écrivain russe le plus influent de la jeune génération.
Chargounov est aussi le fondateur du site d'information, Свободная пресса (Presse libre), très suivi en Russie.
Son pére est un dignitaire de l'église orthodoxe, déja actif à l'époque soviétique.
Sergueï Chargounov a également joué un rôle politique important il y a quelques années : il était le responsable Jeunesse du parti de centre gauche "Russie Juste", une organisation financée en secret par le Kremlin.
Il allait devenir député en 2007, quand Poutine en personne, l'a fait évincer. Chargounov avait en effet dénoncé les manoeuvres du pouvoir pour créer une opposition à la botte.
Sergueï Chargounov a été élu député en septembre 2016. Il s'était présenté comme indépendant sous les couleurs du parti communiste, dans la région de l'Altaï.
Une interview où il explique pourquoi il se présente sur une liste communiste : (en russe, mais on comprend l'essentiel avec Google Trad)
Chargounov a été réélu député lors des élections législatives de septembre 2021.
En 2017, certains à gauche pensaient que Sergueï Chargounov pourrait être un bon candidat pour la présidentielle de 2018 en Russie.
Meilleur en tout cas que le président du parti communiste de la Fédération de Russie, Guennadi Ziouganov, éternel candidat à la présidentielle.
D'autres verraient plutôt l'écrivain Zakhar Prilepine (le meilleur ami de Chargounov) porter les couleurs de la gauche.
Finalement, le 24 décembre 2017, le parti communiste a désigné un outsider pour être son candidat à la présidentielle en 2018, Pavel Groudinine.
En 2001, à 21 ans, Chargounov avait eu le Prix Début, pour son premier livre, "L'enfant puni". Il avait fait sensation en annonçant, en direct, qu'il allait envoyer l'argent du Prix à Edouard Limonov, alors en prison.
L'un des principaux ouvrages de Sergueï Chargounov, "LIVRE SANS PHOTOGRAPHIES" est paru dans sa traduction française, le 24 septembre 2015, aux Editions La Différence.
LIVRE SANS PHOTOGRAPHIES
Critique du livre :
http://www.humanite.fr/serguei-chargounov-fils-de-pope-et-nostalgique-589464
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Beaucoup plus de résultats sur le net en orthographiant le nom de Chargounov à l'anglaise : Shargunov
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2 INTERVIEWS DE LIMONOV PAR CHARGOUNOV
En avril 2013 et septembre 2017
Avril 2013 - Edouard Limonov interviewé par Sergueï Chargounov.
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UNE AUTRE VIDÉO
QUATRE ANS APRÈS :
UN LIMONOV TRÈS HUMAIN !
20 septembre 2017
Quatre ans après l'interview précédente, Limonov fend l'armure, comme on l'a rarement vu en interview.
Vraiment très en confiance et détendu avec Sergueï Chargounov, il évoque toute une série de questions personnelles : la mort de sa mère, ses ex-femmes, ses jeunes enfants, ses compagnons de prison, la maladie, la vieillesse.
Sans oublier bien sûr la politique, la guerre, la révolution, la métaphysique, la littérature, etc...
2017 - SERGUEÏ CHARGOUNOV (JOURNALISTE, ÉCRIVAIN ET DÉPUTÉ COMMUNISTE) INTERVIEWE EDOUARD LIMONOV
LE SCRIPT DE L'INTERVIEW, ICI :
Vraiment passionnant. Facile à comprendre avec Google Trad.
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RENCONTRE MÉLENCHON CHARGOUNOV
Sergueï Chargounov a rencontré Jean-Luc Mélenchon, le 10 mai 2018, à la Douma.
Chargounov en a profité pour offrir à Mélenchon ses deux livres traduits en français, "Livre sans photographies" et "1993".
On peut le voir dans 2 extraits de la vidéo : à partir de 29'48, et à 30'57.
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À LIRE sur l'excellent site LUNDI MATIN
"J'ai rencontré Chargounov dans un bar à Moscou"
L'excellent témoignage d'un jeune français plutôt libertaire qui a passé un mois à Moscou en mars 2017.
Il a rencontré par hasard Sergueï Chargounov dans un bar de Moscou. Il a longuement discuté avec lui, et l'a revu.
En lisant ce témoignage, on perçoit combien il est difficile pour un français de comprendre la Russie d'aujourd'hui.
Extraits de ce texte passionnant
Tout commence pour moi par une rencontre hasardeuse dans un bar "antifa" de Moscou (oui, cela existe) avec le député Sergueï Chargounov, poète (en fait écrivain et journaliste) et ami d’Edouard Limonov, rencontre ponctuée de discussions – politiques évidemment.
L’ambiance est à la fois électrique par l’alcoolémie de certains et plutôt calme par les lumières tamisées et le vide relatif du bar. Dans son costard étriqué, Sergueï sort de la Douma après une longue journée et vient se détendre un coup, en présence de la jeunesse « marginale » moscovite. Il me l’annonce d’entrée, comme une blague, en desserrant sa cravate.
Pourtant, ce jeune député de 36 ans ne fait pas tâche dans ce lieu, avec sa mine joviale, son sourire allongé et ses yeux pétillants. C’est lui qui m’accoste, m’entendant discuter en anglais avec mon amie.
Coup de chance pour moi, lorsque je me rends par hasard dans ce même bar une semaine plus tard, je me retrouve nez à nez avec lui. Nous nous toisons, égarés par ce hasard étrange (il me dira plus tard qu’il me suspecte automatiquement d’être un espion) et éclatons de rire.
Il faut le dire, nos discussions sont assez décousues. Chargounov, tout en s’intéressant grandement à mon histoire familiale – notamment à mes ancêtres : cosaques et russes blancs ayant fui l’URSS – me renvoie constamment à ma position de « jeune européen occidental » dès que j’essaye de me montrer critique face au régime russe et plus largement à la logique de représentation politique.
C’est quelque chose qu’il faut relever d’ailleurs, tant les russes que j’ai rencontré, tout en montrant un certain intérêt à l’égard de la France et de l’Occident en général, me mettaient rapidement dans la case du « petit con européen ».
Facile, c’est vrai, mais assez révélateur d’une opinion répandue – même chez les jeunes gauchistes – selon laquelle l’Europe et sa population ne sont en soi pas particulièrement des alliés. ...///...
Moscou est une ville de contradiction, mais en dépit du goût amer que cela laisse en bouche, elle surprend toujours par son honnêteté surprenante. On peut passer d’une embrouille avec un gangster, qui hurle que la France est envahie par les noirs et les homosexuels, à une soirée gay dans un club mythique où l’ambiance n’est pas du tout agressive (et cela en cinq minutes). Déterminer un jugement sur l’état d’un pays par un séjour d’un mois dans sa capitale semble dès lors particulièrement audacieux.
Document révélateur à lire complètement (bien que les propos sur Limonov démontrent une méconnaissance du sujet)
Mars 2017 - SERGUEÏ CHARGOUNOV À LA TRIBUNE DE LA DOUMA.
SORTIE EN FRANCE : le 22 juin 2017
Malgré son titre
et sa référence à des faits précis et bien réels, le livre de Chargounov n'est ni une fresque historique, ni un livre politique. Il s'agit avant tout d'un roman brossant le portrait d'une famille soviétique ordinaire
ou quand la petite histoire rejoint la grande Histoire.
Comme le titre l'indique, ce roman revient sur les événements d'octobre 1993 en Russie. Des tanks de l'armée russe avaient tiré sur le siège du parlement alors qu'à divers endroits de la capitale, des manifestants avaient été mitraillés par des unités d'élite. Officiellement, il y avait eu 150 victimes.
En Occident, ces événements avaient été présentés comme la victoire de la démocratie. Dans ce livre, Chargounov met en parallèle les manifestations d'alors et celles, plus récentes de 2012, lors de la réélection controversée de Vladimir Poutine, établissant un lien de filiation entre les deux.
"1993" s'ouvre sur le récit d'un jeune garçon au moment de l'investiture de Vladimir Poutine, en mai 2012. À cette occasion, il côtoie des personnes ayant participé aux affrontements de 1993 dans des camps opposés mais manifestant à présent ensemble. Il se rappelle alors son grand-père mort d'une crise cardiaque pendant les événements.
Malgré son titre
et sa référence à des faits précis bien réels, le livre de Chargounov n'est ni une fresque historique, ni un livre politique. Il s'agit avant tout d'un roman dans lequel la petite histoire rejoint la grande Histoire. La petite
histoire, c'est celle du grand-père du jeune garçon, Victor Briantsev, de sa femme Léna et de leur fille Tania, une adolescente de quinze ans.
L'auteur, comme il
le dit lui-même, brosse le portrait d'une famille soviétique moyenne.
"LES ENFANTS DE LIMONOV"
Décembre 2015 - Zakhar Prilepine et Sergueï Chargounov à Moscou
"LES ENFANTS DE LIMONOV" :
ZAKHAR PRILEPINE et SERGUEÏ CHARGOUNOV
A la Maison de la Poésie, à Paris :
Rencontre le vendredi 5 février 2016 - 19H00
Prilepine et Chargounov dialoguent avec Marie-Hélène Corréard & Monique Slodzian.
VOIR LE COMPTE-RENDU ICI :
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CE SITE EST CONSACRÉ A EDOUARD LIMONOV (et ses disciples)
Il actualise le livre d'Emmanuel Carrère, avec photos et vidéos rares, et quantité d'informations inédites (2020)
Voir la 1ère page, très complète, ici :
Pour vos réflexions et critiques : tout.sur.limonov@gmail.com
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