Je ne saurais trop vous recommander ANTIFIXION, le site de l'écrivain et traducteur Thierry Marignac :
Vous y trouverez de nombreux textes consacrés à Edouard Limonov.
Et la traduction de poèmes de Limonov (avec les rimes).
Thierry Marignac qui a aussi traduit l'hommage rendu à Limonov par le Prix Nobel Iossif Brodski :
"Les vers d’Édouard Limonov exigent, c’est connu, que le lecteur soit préparé. Ce qui semble excentrique dans ces vers, n’est en réalité rien d’autre que le développement naturel de la poésie dont les fondements ont été posés par Lomonossov, et que se sont appropriés au XXe siècle Khlebnikov et les poètes du groupe Oberiou(1).
Ce qui rapproche l’œuvre de Limonov de celle de ces derniers, c’est le profond tragique de son contenu, revêtu, en général, d’un habit extraordinairement léger d’esthétisme volontaire, frisant parfois le maniérisme.
La circonstance distinguant Limonov du groupe Oberiou, et de tous les poètes vivants et morts, c’est que le style chez lui, si audacieux soit-il (il faut remarquer la surabondance d’inversions dans ses vers) n’est jamais une fin en soi, mais une illustration supplémentaire d’un haut niveau de trouble émotionnel – c’est à dire le pain dont se nourrit la poésie.
Édouard Limonov est un poète qui a pris, mieux que tant d’autres, conscience que le chemin vers la clairvoyance philosophique ne se trouve pas tant dans thèse et antithèse, mais plutôt dans le langage lui-même, débarrassé de tout ce qui est superflu."
Iossif Brodski, prix Nobel de poésie 1987.
Préface au recueil de Limonov "Mon héros négatif"
(voir une poésie de ce recueil, plus bas)
(1) GROUPE DE POÈTES DE LÉNINGRAD (1927-1930) , LITTÉRALEMENT UNION DE L’ART RÉEL, CULTIVANT LA POÉSIE DE L’ABSURDE, SOUS L’INFLUENCE DE KHLEBNIKOV.
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12 poèmes traduits
Enfile ta veste et va jouer des coudes sous la tente
Il est temps d’une vie mondaine servir de composante
Pour que champagne en main, sous la lueur du gaz brûlant,
Tu te dresses. Cerné du germe de la vie mondaine, purulent.
Tu viens débusquer la beauté, ayant vu ton comptant de cauchemars,
Tu descends, chercheur de beauté, du piédestal d’ancien taulard.
Courant d’air, souffle, fumée, odeur de lieu inquiet
Ça ne me suffira jamais, tout ça ne suffira jamais…
La vie mondaine, huitres et champagne mélangeant
Ne m’ont pas tué des prisons le contingent
Bandits et voyous en pagaille
Et quelles que soient les belles dont je n’ai pu serrer la taille
De Saratov, sombre centrale, l'image se grave en moi sans faille
Notre « trio », sous l’escalier, lascars en ordre strict
Jusqu’à l’éclipse lunaire totale, chacun risquait verdict
Les bulles de Veuve Cliquot meurent sur la langue, délétères,
Même en veste avec du fric, les gars je suis un Frère
Je n’ai pas oublié des prisons et des gares l’odeur funèbre,
Ça ne me suffira jamais, rien de tout ça jamais, ténèbres…
Enfile ta veste et va jouer des coudes sous la tente
Il est temps d’une vie mondaine servir de composante…
©Édouard Limonov, A Старый пират ( Mais le vieux pirate).
Editions ad marginem, Moscou, 2010.
(Traduction : Thierry Marignac)
СВЕТСКАЯ ЖИЗНЬ
Надевай свой пиджак и иди потолкаться под тентом
Светской жизни пора послужить компонентом
Чтоб с бокалом шампанского, в свете горяшего газа
Ты стоял. А вокруг – светской жизни зараза...
Ты пришел за красивым, ужасного видел немало,
За красивым сошёл, бывший зек, с пьедестала.
Ветерок, дуновение, запах тревожного зала
Мне всегда будет мало, всего и всегда будет мало...
Светской жизнью, где устрицы вместе с шанпанским,
Не убить мне контенгентом
Бандитским и шпанским
И какой бы красавиц талию я не сжимал
Буду помнить Саратовский мрачный централ.
Наш «третьяк», и под лестницей все мы стоим пацаны
И у всех нас срока до замениев полных луни.
Пузырки «Veuve Cliquot » умирают на языке
Пацаны, я ваш Брат, хоть при «бабочке» и в пиджаке.
Я совсем не забыл скорбный запах тюрьмы и вокзала,
Мне всегда будет мало, всего и всегда будет мало...
Надевай свой пиджак и иди потолкаться под тентом
Светской жизни пора послужить компонентом...
© Э. Лимонов, A Старый пират, ad marginem, Москва, 2010.
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Du recueil de poèmes "Cendrillon enceinte"
Moscou 2015
Le pouvoir, a levé la patte, tel un sphinx puissant,
Il menace et rugit, montre les dents du loup
Le pouvoir — est une lionne, et n’agitera pas sa queue pour nous,
Mais leur frottera les côtes, à coups de barre, violemment…
Le pouvoir rend la mort et le sang, d’un corps souillé.
S’élance, et nous brise les os, offensive.
Avec sa proie, grinçant, acharné,
Traîne le téméraire vers les rocs de la rive.
Et là se met à dévorer, par le ventre et l’aine commençant,
La victime vit encore, et d’une jaune prunelle,
Contemple, muette, à peine dans son état conscient :
« Elle me mâche ! » et… horreur, en rondelles…
Le ressac lave le sang, sur la chair de la poitrine, grésillant.
Des nuages le Seigneur observe, fronçant le sourcil,
Il ne trouve pas ça comme il faut, de sa soutane ses yeux voilant,
Voilà l’amour des puissances, semble-t-il…
La lionne a une croupe d’acier, toutes ses pattes sont métalliques,
Dans ses yeux un arc au tungstène étincelle,
Du Walhalla, elle est habituée à entendre l’appel,
À ses griffes et ses crocs on ajoutait des cornes rustiques.
(Traduction : Thierry Marignac)
Власть львица
Власть мощным сфинксом лапу подымает
Грозит, оскалясь пастью, и рычит
Власть – львица, и хвостом нам львица не виляет,
Но сильным, как прутом, им по боку стучит…
Власть смертью отдаёт и кровью, грязным телом.
Бросается и сбив, ломает кости нам,
С добычею своей, храпя остервенело,
Волочит храбреца к прибрежным валунам…
Там начинает жрать, живот и пах в начале,
Страдалец ещё жив, и в желтые зрачки
Он смотрит, онемев, в своем ума едва ли:
«Она меня жует!» и… ужаса куски…
Прибой смывает кровь, шипя над грудной мяса
Из облака Господь взирает, выгнув бровь
Ему не comme il faut, глаза прикрыл он рясой…
Такая вот она, державная любовь…
У львицы круп стальной, все лапы из металла
В глаза её искрит вольфрамова дуга,
Привыкла отвечать на позывной «Валгалла»
В комплект клыков-когтей добавлены рога…
Эдуард Лимонов, Золушка береманая.
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Traduit
du russe par Thierry Marignac
Tournoie et roule la rose des vents.
Comme une pleine
lune tu seras bien portant.
Déchirantes, les crises d’asthme cesseront
Good tout sera good, les
cieux s'éclairciront.
Good sera un beau temps éclatant.
De l’oligarchie s’arrache la petite
amie.
Comme toi baobab, une palme parapluie,
Cette greluche vivra encore trois ou quatre ans.
Jeune, verte et juteuse à l’intérieur
Sers t’en si tu veux, si tu veux contemple-la d’ailleurs…
Le soleil s’élève comme un acrobate,
Le jour s’allonge comme le soldat grossit,
Épuisé, à
la cambrousse parti
Installé chez une veuve,nouveau venu, dernier en date…
Good sera la nation, remarquablement,
La clique des tchékistes bientôt kapout complètement
Se dissipent les nuages noirs irréversiblement
Le soleil nous déverse les armes du régiment.
Comme elles brillent,étincellent, et s’annoncent.
Gloire à la Russie ! Comme aux jours d’autrefois !
Gloire à la Russie ! Et pour nos armes, hourra !
C’est
l’heure du laiton, et le temps du bronze !
Oublions, audacieux, des héros la plastique matière,
Good est parfait,
dans le soulèvement des masses fières.
Слава России !
Крутится,вертится роза ветров,
Тыкак полнолунную будешь здоров.
Астмыколючей припадки пройдут,
Небоочистится good будет good.
Good будет полный,
прекрасный погод.
Отолигарха подруга уйдёт.
Зонтичнойпальмой, с тобой, баобаб,
Нескольколет проживёт этот баб.
Юный,зелёный и сочный внутри,
Хочешь – используй, а хочешь – смотри…
Солнц евзбирается как акробат
День прибавляет, как в весе солдат,
Что истощённый, в деревню прибрёл
И увдовы загостил, новосёл…
Будет в стране замечательный good,
Клике чекистов наступит капут,
Вскроются черные все облака
Солнце зальёт нам орудья полка.
Изаблестят, засияют они.
Слава России! Как в прошлые дни!
Слава России! Орудьям – Ура!
Время
латуни и бронзе пора !
Смело забудем героев пластмасс,
Good будет полный с восстанием масс…
Édouard Limonov, Mais le Vieux Pirate, Ad Marginem, Moscou, 2010
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Lorsque s’interrompent les vols réguliers
Au début de la guerre civile
Lorsque la princesse Grâce va s’échapper
De ce pays maudit et vil,
Lorsque les ambassades étrangères odieuses
Seront froides et ténébreuses
Lorsque les provisions en supermarché
Ne seront déjà plus livrées…
Alors des bandes de jeunes apparaîtront
Hordes d’adolescents patibulaires en cavale
Et comme du Noir Ouganda les cannibales
D’un bout à l’autre de l’année se déchaîneront.
La ville jonchée de cadavres frais,
Et un troupeau de chiens errants,
« Aux portes les touloupes, les capotes, les gilets »
Impossible qu’il en soit autrement…
Edward Limonov, 2015. (Traduction : Thierry Marignac)
Когда прекращаются авиарейсы
С началом гражданской войны,
Когда убегают принцессы Грейсы
«Из этой проклятой страны»,
Когда иностранные злые посольства
Стоят холодны и темны,
Когда в супермаркеты продовольства
Уже не завезены...
Тогда появляются юные банды,
Подростков угрюмых орда,
И, как людоеды из чёрной Уганды,
Бесчинствуют сквозь года.
Разбросаны в городе свежие трупы,
И
стаи бродячих собак,
«А в двери бушлаты, шинели, тулупы»,
Иначе нельзя никак...
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Mon négatif héros
Est toujours sur mon dos
Je bois de la bière — de la bière il boit
Il vit chez moi
Il couche avec mes maîtresses
À son pubis mon membre obscur se dresse
Mon négatif héros
C'est à New York qu'on peut voir
Se découper l'élégante silhouette de son dos
Dans n'importe quelle rue où il fait noir.
Мой отрицательный герой
Всегда находится со мной
Я пиво пью – он пиво пьёт
В моей квартире он живёт
С моими девушками спит
Мой темный член с него висит
Мой отрицательный герой
Его изящная спина
Сейчас в Ню-Йорке видна
На темной улице любой
Edward Limonov, Мой отрицательный герой, (Mon héros négatif), Poésies 1976-1982, New York-Paris, Glagol, Moscou, 1995.
(Traduction : Thierry Marignac)
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Le voisin anglais a mis sa veste de daim
Empoigné sa copine, est parti au ciné
Et n’est pas rentré avant deux heures du matin
J’ai vu par la fenêtre, à deux, ils sont rentrés
Dans Paris si intense est le froid
Qu’on dirait la Sibérie — de Krasnoïarsk les confins
Et pas dans mon pays. « Je rentre chez moi ! »
Je me dirige moi-même vers une remise à rondins
Je vis comme un loup, comme un loup je mourrai
J’ai mal à l’estomac, hier, je me suis goinfré
Le porc que j’ai mangé, de la soie me semblait
Mais je souffre à présent, j’en ai beaucoup mangé
Si j’avais une femme pour me dire « Ça suffit !
Tu as assez mangé. Attends demain matin »
Mais puisqu’en tête-à-tête avec moi-même, je vis
Je ne mange qu’une fois par jour, un seau de bouffe à moitié plein
Vers quoi cette vie va-t-elle me mener
Comme tous vers ma fin, mais une fin solitaire
Je vois comme me balance sans manières
Dans une grande valise, un Monsieur étranger
Non il n’étend pas mes membres un à un
Pour qu’ils reposent légèrement sans frotter.
Son syndicat, vu qu’ils sont mal payés
Est en grève contre le destin…
Édouard Limonov (Traduction : Thierry Marignac)
Сосед англичанин надел кожух
Подругу взял и пошел в кино
И не возвращался часов до двух
Вернулись вдвоем, я видал в окно
В Париже холод такой густой
Как будто Сибирь - Красноярский край
И нету дома. "Пойду ДОмой!"
А сам идешь в дровяной сарай
Живу как волк и умру как волк
Вчера пережрал и болит живот
Свинину ел и была как шелк
Но много съел и страдаю вот
Была бы жена, чтоб сказать:"Постой!
Довольно съел. Потерпи до утра".
Но так как живу я вдвоем с собой
Так ем раз в дель и по полведра
К чему эта жизнь меня приведет
Как всех к концу, а конец один
Я вижу как грубо мой труп кладет
В большой чемодан чужой господин
Нет он не поправит за членом член
Чтоб мягко лежали,не терлись бы
Его профсоюз ввиду низких цен
Ведет забастовку против судьбы....
Эдуард Лимонов
A voir ici, un autre poème de Limonov, très drôle, "L'Envie". Il l'a écrit après que Joseph Brodsky, fort bien introduit aux USA, ait gagné en 1981, un prix littéraire doté de 34.000 dollars. Et c'était 6 ans avant qu'il décroche le Prix Nobel de Littérature ! :
Ici, tous les textes de Thierry Marignac sur Edouard Limonov :
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LIMONOV PREMIÈRE PÉRIODE
Années 70 et début 80
Édouard confiait plutôt ses chagrins dans ses livres ou ses poèmes. En public, avec ses amis, il était énergique et gouailleur. Du cafard qui l’avait accablé dans le New York de l’exil dans les années 1970, de la « désillusion », titre de l’article lui ayant valu d’être viré de « La Nouvelle Parole Russe », il ne parlait jamais, bien qu’à mon sens, celui-ci ne l’ait jamais quitté. Il l’avait transformé en vision du monde, le « désespoir positif » dont parlait Blaise Cendrars. Celui-ci le poussa à s’enflammer dans l’activisme plus tard. Dans les « hôtels-cages » comme disait Carl Watson, il s’était trouvé au cœur de la pire solitude, émargeant au « Welfare » et bien plus tard, même les prisons russes ne pouvaient plus le briser.
Thierry Marignac (et traduction)
Tout dans ce monde, ah !, est inutile
Le costume noir du roi
La petite fille en blanches bottines graciles
Les livres dans d’horribles tableaux de l’effroi
Les champs de la joie
Est-ce — est-ce cette terre
Ce que du navire je vais crier
Quelle forêt dans des toiles d’araignée
Tout dans ce monde à se péter la sous-ventrière
Le poisson dans les eaux côtières
La baleine sur le plateau montagneux
Aux fenêtres de l’hôtel noirs sont les cieux
Que tu aimes ça ou pas tant
Ta vie tu détruis
Mais tu as perdu il y a déjà longtemps
Je m’éveille en mélancolie
Le tic-tac de la montre au poignet
Le vent en filets
Les fenêtres expient
Comme une balle dans le tympan
Je suis allongé tout seul ici
Le ciel tombe de son point culminant
Bonjour Editchka
De la passion les mystères
Notre fils — tu éprouvas
Tout n’est rien sur cette terre
Tu te lèves et enfile ton manteau
Ta casquette tu inclines
De ta chambre tu te débines
Poisson du monde de Cousteau
Les cheveux en brosse coupés
Je sors en beauté
Personne ne peut me rattraper
Édouard Limonov, "Mon héros négatif", poèmes, 1976-1982.
Все в этом мире эх зря
Черный наряд короля Девочка в белых ботинках
Книжки в ужасных картинках
Радостные поля
Эта ли — та ли земля
Что я кричу с корабля
Лес ли какой в паутинках
Все в этом мире смешно
Дождик впадает в окно
Рыба на взморье
Кит в плоскогорье
В окнах отеля темно
Любишь не любишь
Жизнь свою губишь
Но проиграл ты давно
Я просыпаюсь в тоске
Бьются часы на руке
Ветер кудлатый
Окна в расплату
Пуля как будто в виске
Вот я лежу здесь один
Падает небо с вершин Эдичка здрасьте
Тайные страсти
Вы испытали — наш сын
Все в этом мире ничто
Встанешь наденешь пальто
Шляпу надвинешь
Номер покинешь
Рыба из мира Кусто
Волосы щеткой
Выйду красоткой
Нас не догонит никто
Стихотворения Эдуард Лимонов
Sur les villes une lune sanglante
Nous deviendrons des puces, des bactéries
J’aime la lune sanglante
Dans ses ruines et crevasses, j'aime mon pays
Chez le dictateur, un intellectuel sévère
Et bon — simplement égaré
Excellent — mais avec une vie de misères
Alors le sang humain il fait couler
Sous les doigts tout le cafard et l’ennui
Et la mort est ennuyeuse comme un épouvantail de pierre
D’une limousine, l’enfant apercevait
Comme un panier posé, le grand Yéti
Sur une falaise nordique surélevée
L’enfant du dictateur sur la terre trônait
Des questions sans réponses le taraudaient
Autour de lui des soldats au rouge nez
Et la brise marine secoue les bananes
Les habitants ont l’air de tsiganes
Et la lumière d’en haut. Et l’écume de la mer
Et le Yéti — signe que bientôt viendrait la guerre
Edouard Limonov - Tiré du recueil "Mon Héros négatif" - Vers 1976-1982
Traduction : Thierry Marignac
Кровавая луна над городами
Бактериями станем. станем вшами
А я люблю кровавую луну
В развалинах и впадинах страну
С диктатором - интеллигентом строгим
Хорошим - только сбившимся с дороги
Прекрасным - но имевшим жизнь плохую
Поэтому и льющим кровь людскую
Под пальмами вся та ж тоска и скука
И смерть скушна как каменная бука
Ребенок увидал из лимузина
Большая бука села как корзина
На
возвышенной северной скале
Диктатора ребенок на Земле
Имеет нерешенные вопросы
Вокруг него солдаты красноносы
И ветер с моря шевелит бананы
А жители глядятся как цыганы
И верхний свет. И вспененное море
И бука - знак войны что будет вскоре
ЭДУАРД ЛИМОНОВ, ИЗ СБОРНИКА « МОЙ ОТРИЦАТЕЛЬНЫЙ ГЕРОЙ»
ELEGIE
J'aime les choux vivants
Sur leurs hautes tiges
J'aime voir Valentina Pavlovna
Sortir de sa maison le matin
La verdure calme et rêveuse
Aux couleurs acides de Tourgueniev
Un peu mélangées de jeunes filles
Qui glissent, vêtues de rose
Une vie mesurée sans bruits ni hâte
La page cornée d'un livre nouveau
Une maman légèrement
parfumée
Qui gazouille comme un oiseau
Sur la table blanche
un déjeuner multicolore
De tomates, d'omelette et de lait
Une main tendue dans l'air bleu
Et c'est ma main.
* * *
Prisonnier la nuit je me promène
Je promène mon regard sur le mur
Pour ce que j'ai fait de moi pardonne, pardonne-moi
Pour ce que je fais de moi derrière la palissade
Je suis à bout et ce n'est pas ma faute
Regarde
mon visage blême est de travers
Je suis un homme courageux, un soldat
J'ai vaincu (déjà) ma mère, mes grands-mères
Et mon père. J'ai abattu la voisine Lydia
J'ai abattu son mari l'oncle Kolia
J'ai abattu le voisin Macaquenko
Ecrasé le voisin Guénia et je suis parti
J'ai vaincu Motritch le poète
Il est devenu ivrogne. Moi, j'observe, j'écris.
Pris
de boisson, il court les rues
Moi j'écris. Je me souviens. Je me tais.
A quoi bon ces victoires — dites-moi ?
Pourquoi ai-je fait la guerre ?
Vaincre Motritch n'est pas une affaire
Ce Motritch est inoubliable
Je saurai en vaincre bien d'autres
M'en aller. Les laisser loin derrière
L'avenir m'est apparu la nuit dernière
- Solitude et silence
complet
Alors j'appellerai la voisine Lydia
J'appellerai le voisin
Macaquenko
Ma petite mère fébrilement je demanderai
Et aussi mon père — où es-tu, mon humble — ohé
!
Vendredi. Il n'y a rien
La dernière bête et le dernier
vieux
S'affairent à leur maigre repas
Sous la colline glaciale
Le ciel
noir est bas
Les sentiers parcourus l'été
Par les hommes, les chiens et les hérissons
Recouverts de feuilles glissantes
Seul le vieux sourd et vorace
Donne son dernier souper
La
terre débridée vide et folle
N'a rien à vendre
Et le ciel est tel
Qu'une fille d'ailleurs en robe blanche
Va y apparaître
Vendredi
* * *
Sous le soleil rare
Fume cette cage
Terre à nous allouée
Par Limonov habitée
Il n'est pas vieux encore
Mais déjà sauvage et ridicule
Ainsi Tchourilof ne sait pas
Que Limonov est un grand poète
Pourtant nous sommes amis
Quand il le saura
Je ne serai plus en vie
Il habite à Kharkov la paisible
Semblable au désert en été
Jamais il n'a vu mes vers
Jamais tenu entre les mains
Ils sont encore nombreux à ne pas savoir
Que Limonov est un poète — Quel poète !
Et moi je me réveille avec ce sentiment
Et je vais dormir avec lui
Je connais mon destin
Il me fait frémir
Il me fait signe du doigt
Un complot est sur ses lèvres
Non je ne veux pas de cette énigme
Je suis sourd à tes desseins
Ne révèle pas ce qui sera
Dans le suc doré du soleil
Baignaient les
bancs publics
Les invalides et les malades
Se taisaient assis
Voilà plus d’une heure je fouille mes plaies
Familier de toujours des
ténèbres
J’arrache tout un peuple de croûtes
Ah,
que tu es donc belle
Je voudrais te manger en bâfrant
T’accompagner de feuilles tendres
Nous nous sommes couchés sur un lit
Je danse et toi aussi
Que l’amour répande ses odeurs
C’est si bon et si triste
Mes narines frémissent à l’aube
Des toits rouges je découvre la vallée
Vivre ainsi, vivre ainsi
Et pleurer doucement
Humectant la blancheur du mouchoir.
(Traduction de Nadia Blokh)
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