Nos lauréats ont cette heureuse capacité de penser par eux-mêmes, de définir leur position et de l’assumer fermement. Mais ils savent aussi se remettre en question. Aux idées toutes
faites, ils préfèrent la quête permanente. Ils ne se contentent pas des réponses données, continuant sans relâche de s’interroger sur eux-mêmes et le monde qui les entoure.
Quand, quelques jours avant la cérémonie, nous avons appelé Edouard Limonov pour lui dire que le Courrier de Russie comptait lui décerner un
prix, l’écrivain n’a pas voulu nous croire. « Un prix ? Mais on ne m’a jamais donné de prix, seulement des peines de prison ! », nous a-t-il répondu.
En effet, Edouard Limonov a passé trois ans dans les prisons de Russie, accusé de fomenter des insurrections pour la défense des russophones au Kazakhstan. Mais les enquêteurs
n’ont pu établir de preuves tangibles : l’écrivain a finalement été relaxé.
En prison, Limonov a écrit
huit livres : tous racontant une vie d’homme – sa vie à lui et celle de tous les êtres qui refusent d’entrer dans les cadres, d’accepter les vérités toutes faites, de se conformer à des choix qui ne
sont pas les leurs.
Ce qu’une vie peut être, Limonov ne l’a pas appris dans des livres. La vie, il la vit – de toutes ses forces, à
pleines dents, et tant pis si le goût en est souvent amer. Limonov n’est pas de ceux que l’on invite aux cocktails mondains : malgré son air discret, il est encombrant.
Quand il entre dans une pièce, entrent avec lui toutes ses comtesses parisiennes, ses SDF new-yorkais, ses six femmes et ses innombrables maîtresses, mais aussi ses voisins ivrognes de Kharkov, ses journaux clandestins,
ses bunkers du centre de Moscou et leurs habitants intransigeants et entiers.
Limonov a agi là où tant d’autres ont hésité.
Il a marché dans l’abîme quand d’autres reculaient en courant. Quand il arrive à une soirée, on aperçoit derrière lui ses ombres. On ne voit qu’elles, en fait : soudain, elles prennent chair et vous
parlent, au grand dam des belles dames habillées qui, comme par miracle, deviennent invisibles.
Dmitri Olchanski, primé pour ses essais incisifs sur la vie russe, a déclaré lors de la cérémonie
qu’Edouard Limonov avait "exercé sur sa génération une influence colossale".
Une capacité à ne pas choisir un camp mais à proposer une vision originale du monde, à toujours suivre sa voie propre.
Ce qu’a toujours fait Limonov et ce que tente de faire Olchanski ...///....
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http://www.lecourrierderussie.com/opinions/editos/2015/04/coulisses-prix-courrier-russie/