LIMONOV AFFÛTA SON STYLE JUSQU’À L’ÉPURE
Ensuite Limonov partit s’installer à Paris, coqueluche de la
gauche caviar, se
balada en ville en capote de l’Armée
Rouge, baisant avec Natalia Medvedeva. Et il écrivit encore
une dizaine
de textes géniaux, où l’on retrouve tout ce
qu’on peut se représenter de la culture hip-hop. Trouvez
donc
un beatmaker digne de ce nom, et tant que Limonov
est de ce monde, qu’il les récite de sa voix haut perchée.
De quoi ébranler le monde. Les récits de la guerre serbe, les
mystères de Paris, les doctrines totalitaires. Les meutes de
loups de banlieue aux crânes rasés, qui se précipitèrent
vers Limonov et son parti.
Est-ce que Jay-Z ou RUN-DMC ont jamais eu des fans de ce
calibre même à la meilleure époque ?
Limonov affûta son style, sa prose était dépouillée
jusqu'à l’épure, il n’en restait que le muscle, les
muscles du nerf optique, de la langue, des poings — les
muscles qui portaient la vérité unique, subjective, un
regard hyperégocentrique sur le monde. La vie devenait
une œuvre artistique, et plus important encore : à la
différence de la plupart de ceux qui avait joué leur vie sur
l’autel du hip-hop, Limonov a survécu. Tupac Shakur,
Notorious B-I-G, ainsi qu’Alexandre Pouchkine, ils se sont
tous
fait descendre.
Limonov était tellement balaise, qu’il s’est débrouillé pour
survivre à travers tout son destin total hip-hop.
Cependant, bien entendu, comme n’importe
quel gangster
noir, on envoya Limonov en taule pour port d’arme prohibé.
Au trou, il parvint à vivre en harmonie,
malgré les pages
célèbres, citées plus haut. Il vécut et se sentit à l’aise
parmi les
taulards, cultiva son bronzage, eut l’expérience
religieuse de l’extase.
Les
récentes visions métaphysiques de Limonov ces
dernières années ne font qu’ajouter à son charme. Il ne
s’est
pas fait élire à la présidence, même le président noir
des Etats-Unis n’est pas un rapper. Il n’est pas encore
temps pour le hip-hop de prendre le pouvoir. S’arracher de
ses charnières, c’est ce qu’il y avait de plus digne pour cet
homme-là, dans la vie duquel on trouve tout.
(…)
N’OUBLIEZ PAS QUI EST LE PARRAIN
Le nègre Limonov
continue à crier dans les micros sur
les places publiques, rassembler les meutes de jeunes et
d’affamés et termine
ses discours en disant que c’était sa
dernière oraison en date. Et c’est très juste, en effet, la
culture
hip-hop vient des sermons protestants, à pleins
tubes, enragée, criarde, musicale — comme toute l’œuvre
de
Limonov. Comment pourrait-il finir de scander ses textes
autrement ?
Il
est plein de force, d’énergie, et tire encore des
jeunesses. C’est un nègre, un créateur et un gourou, et à
une époque où les étoiles du hip-hop sont les personnalités
les plus importantes du temps présent, il a mérité le titre
d’étoile première classe, devant toutes les autres. Du
reste, c’est lui-même qui se l’est approprié.
Et tout ça pour dire que la prochaine fois que vous écrirez
quelque chose sur Kanye West
et ce genre de gusses,
n’oubliez pas qui est le patron, qui est le parrain.
Igor Antonovski, 25 septembre 2013.